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Que ferait Taylor Swift ? Repensons la participation citoyenne en mouvement.


Taylor Swift, l’une des mentors de la participation citoyenne basée sur le mouvement. Crédit Photo ©Eva Rinaldi

La participation citoyenne est morte, vive la participation citoyenne !


Le mois dernier, nous avons de nouveau échoué. Les équipes de Civocracy ont accompagné un projet de participation dans une petite ville en Allemagne. C'était la première fois que cette ville se lançait dans la participation numérique et nous les avons accompagnés dans cette démarche. Le sujet était le développement urbain de la ville dans les années à venir. Convaincue que le sujet était important pour chaque citoyen, l'administration de la ville avait alors pris la décision de miser sur l'approche numérique, afin d'attirer plus de participants.


Jusqu’alors, la ville parvenait à mobiliser environ 10 à 50 personnes, autour de leurs événements de participation. Nous voulions les accompagner pour faire augmenter ce nombre. Et c'est ce que nous avons fait. Nous avons travaillé sur un nouveau processus et mis en place une stratégie de communication dédiée. Et nous avons obtenu des résultats. Nous avons réussi à attirer plus de 1 000 participants, soit environ 30 fois plus que d'habitude. La ville était satisfaite des résultats et nous l'étions aussi.


Et pourtant, c’est un échec. Si vous regardez les choses de façon réaliste, nous avons échoué. 1.000 personnes dans une ville de 20.000 habitants signifie que la majorité écrasante n'a pas participé, quand bien même il s’agissait d’un sujet important. Et cette réalité existe depuis les débuts de Civocracy : la majorité des citoyens ne se présente pas aux consultations participatives.


Et ce n'est pas seulement vrai pour notre plateforme. Chaque acteur de la participation citoyenne fait souvent face à cet échec. Nous échouons si souvent, que nous nous satisfaisons de résultats comme celui que l’on vient d’évoquer. Et cette réalité s’applique à d'autres champs encore, que celui des projets de participation. Il en va de même pour les campagnes de communication. Les gouvernements et les administrations peuvent se donner tout le mal qu’ils souhaitent pour communiquer, il semble que les citoyens et les parties prenantes ne perçoivent ou ne reçoivent pas le message.


Les temps changent, les mentalités évoluent


Pendant des années, voire des décennies, ce problème a été négligé, la demande de consultation citoyenne n'était pas si développée. Bien sûr, il y a toujours eu des personnes dans les administrations et dans la société civile qui demandaient plus de participation et plus de transparence, mais finalement, le statu quo fonctionnait relativement bien.


Mais cette ​époque est révolue, la situation est en train de changer, et avant tout, grâce aux citoyens.


La demande de transparence, d'information et de participation est plus forte que jamais. De nombreuses études comme celles portées par Statistica montrent que les citoyens souhaitent une plus grande participation. Cette tendance se confirmait d’ailleurs lors des dernières campagnes électorales : il s'agit de faire revenir les citoyens à bord, en les prévenant et en les intégrant au processus de participation.


Mais dans les administrations aussi, les mentalités évoluent. Poussée par les idéaux d'une génération plus jeune, la demande de sens, mais aussi de plus d'ouverture dans les affaires publiques, est grandissante.


De chaque côté donc, nous constatons une volonté d’atteindre une participation citoyenne plus inclusive et plus transparente.


Comment se fait-il alors que personne ne fasse vraiment l'effort de lire les informations ou de prendre part activement aux projets de participation citoyenne ?


Est-ce parce que chacun est séduit par l'idée d'être inclus mais rejette l'effort de réellement passer à l’action ? Si tel était le cas, l’argument qui suit serait difficile à expliquer.


Ces dernières années, nous avons assisté à une montée de l'activisme politique dans toute la société occidentale. Le mouvement Friday for Future, qui a réussi à faire participer 250 000 personnes à la grève du climat à Berlin en 2019. Le festival allemand pour la démocratie, financé par les foules, qui a permis de collecter 2 millions d'euros. Le mouvement Black Lives Matter qui a mobilisé des personnes dans le monde entier. Ou encore, l'exemple de la Primaire Populaire en France, plateforme citoyenne avec plus de 466 000 abonnés, qui a fait l’objet de 392 738 votes il y a trois semaines.


Peu de doute donc, oui, les citoyens sont prêts, prêts à se mobiliser. Encore faudrait-il disposer du bon format qui répond à ce besoin. Et nous sommes convaincus que les gouvernements ont beaucoup à apprendre de ces exemples pour réajuster leur stratégie de communication et de participation.


Et si on réfléchissait en “mouvements” ?


Nous devons changer de perspective. Aujourd'hui, la communication et la participation sont principalement motivées par la peur. Qu'il s'agisse de développement urbain, d'initiatives de villes vertes ou de relance économique, l'objectif principal dans 90 % des cas est de "vendre" le projet. Cet état d'esprit a pourtant de lourdes conséquences.


En suivant ce modèle, l’intention est avant tout de toucher et convaincre ceux qui pourraient s’opposer au dit projet. Ceux, donc, qui ne sont pas encore persuadés. Et l'obsession est alors de tout faire pour limiter l’impact de ces personnes qui pourraient interférer avec le projet. Pas très excitant, n’est-ce pas ? C'est pourtant bien ce que ressentent les citoyens.


Imaginez que le mouvement Friday for Future misait sur tous ceux qui ne croient pas au changement climatique, pour se rassembler dans les rues. Combien se déplacerait ?


Ce qui pousse les gens à aller de l'avant, c'est au contraire, de faire partie d'un mouvement, de construire collectivement.


La recette d’un mouvement puissant


Alors, quelles sont les caractéristiques d'un bon mouvement ?


Premièrement, il doit être axé sur la mission, une mission clairement articulée, une source d'inspiration qui reste réalisable. L'étoile du Nord autour de laquelle les gens peuvent se rassembler.


C'est le point central, le reste gravite autour. Il ne s'agit donc pas de budget, ni de ressources, mais bien de la mission qui doit être accomplie. Peut-être voulez-vous faire partie des dix premières villes vertes d'Europe ? Ou bien atteindre un certain niveau de loyer médian dans votre ville ? La mission est individuelle, mais il vous en faut une. Votre ville a-t-elle une mission claire ? Si ce n’est pas le cas, pourquoi ?


Ensuite, un mouvement, c’est avant tout une alliance. Des personnes d'horizons différents se réunissent pour LA cause et y collaborent ensemble, pour expérimenter ce sentiment de communauté, de collectif. Si vous voulez rendre votre projet attractif, vous devez rallier vos alliés, et non vos ennemis. Bien sûr, cela ne signifie pas que tout le monde doit avoir la même opinion sur tout, mais vous devez avoir un sens commun de ce qu'il faut faire pour avancer.


Cela peut sembler relever du challenge, car votre petite voix vous conseille, par souci d’inclusion, de prêter l’oreille aux opposants à votre projet. Certes, on peut difficilement les ignorer, mais pour l'instant, nous donnons à ces personnes quelque chose de bien trop puissant et cela doit changer.


Administration, citoyens, ce n’est pas tout. Dans une grande alliance, vous devrez compter à bord, les acteurs économiques locaux, la société civile et les associations. Il suffit de penser aux “scientists for future”, aux “entrepreneurs for future” dans le mouvement pour le climat. Ou au soutien d'entreprises comme Airbnb ou Nike pour Black Lives Matter. C'est ce type de collaboration qui transforme une cause en mouvement. Nous vous invitons donc à réfléchir sérieusement à l'identité de vos alliés potentiels dans votre ville et à les approcher.


D’improbables mentors pour exemple


Imaginons que vous suiviez cette voie. Vous avez trouvé votre mission, vous avez rallié vos alliés, tout le monde est motivé et prêt à se lancer. Est-ce que cela suffit ? Et bien, ce n'est pas si simple, car il reste à enclencher la plus grande étape ; mettre le mouvement en marche.


Et pour cela, tournons nous vers deux mentors très improbables : Donald Trump et Taylor Swift.


Cela semble fou ? Pourtant, pas du tout. Concentrons nous d’abord sur l’ancien Président américain. Bien loin de ce que l’on pense de lui en tant que politicien ou personnage, il a réussi ce que vous pourriez vouloir adopter : être en campagne permanente.


Pendant des décennies, la gouvernance a fonctionné de la même manière : une campagne juste avant les élections, puis - si victoire - la phase de travail silencieuse commençait, jusqu'à ce que l'élection suivante arrive et qu'il soit de nouveau temps de lancer une campagne.


Bien que ce processus ait sa logique, il tue tout mouvement. On a l'impression qu'après l'élection, il n'y a plus rien à faire. Donald a fait les choses différemment. Il n'y a pas eu de pause avec lui, il a simplement continué. Et l'effet a été stupéfiant, son mouvement a à peine perdu de sa puissance, même si les résultats de son travail étaient, disons le, contestables.


Essayons-nous de vous convaincre que tous les fonctionnaires devraient agir comme Trump ? Certainement pas. Mais l'état d'esprit qui consiste à garder la campagne vivante tout au long de son déroulement peut être un outil puissant pour maintenir votre mouvement. Parlez donc de vos objectifs, beaucoup. Montrez vos progrès, même s'ils sont minimes. Soyez fort et présent dans la poursuite de votre vision.


Prenons maintenant notre second exemple concret, celui de Taylor Swift.

La pop star mondiale est une génie absolue en ce qui concerne ce que nous appelons la "communitycation". Pourquoi ? Parce qu'elle fait concrètement participer ses fans et ses admirateurs à ses projets.


Il lui arrive parfois, par exemple, de répondre de manière aléatoire à des fans directement sur les réseaux sociaux. Ou bien de laisser sa communauté décider de ce qu'elle doit porter sur le tapis rouge (bien sûr, elle se charge en amont de la présélection des tenues).


En 2014, elle a même invité des fans à venir chez elle pour écouter en avant première son nouvel album et donner leur avis. Ce qu'elle y gagne ? Une communauté de fans déchaînés qui sait TOUT d'elle. Parce qu'elle a compris que nous avons tout à gagner à construire ensemble et à faire partie d’un mouvement collectif et qu'elle l’utilise à son avantage.


Un mouvement a besoin d'un leader, mais d'un leader inclusif


Quelle leçon pouvons-nous en tirer pour notre mouvement ? Nous devons communiquer certes, mais aussi pratiquer l’inclusion. Il faut toujours un leader - dans notre cas, l'administration de la ville - qui ne perde jamais de vue l'objectif final. L'ambassadeur du processus. Mais si vous souhaitez une communauté, plutôt que de simples interlocuteurs, il est important de communiquer en incluant. Utilisez votre alliance, soyez créatif, soyez humain, laissez votre communauté décider de certains éléments, incluez votre communauté dans le processus, même si vous en gardez le contrôle.


Et lorsqu'il s'agit de se montrer inclusif, miser sur le divertissement, la légèreté, le jeu ! Si Taylor Swift vous sollicite pour choisir sa tenue, ce pouvoir de décision est amusant, parce que facile et léger. Ce n'est pas une question ouverte, pas une discussion lourde. C'est une question à deux réponses : A ou B. Et tout le monde aime cela.


Lorsque vous lancez votre mouvement, pensez à des idées ludiques auxquelles vos citoyens pourront participer et maintenez-les à une fréquence élevée afin de garder votre communauté amusée et engagée. Laissez-les décider du nom du mouvement. Vous pouvez aussi lancer un défi citoyen pour savoir qui plantera le plus d'arbres en deux semaines, ou organiser un quiz où le participant le plus actif gagnera un déjeuner avec le maire. Pourquoi pas ? Les citoyens ont besoin de participer de façon amusante, et vous avez besoin qu'ils intériorisent l'information de manière naturelle, automatique.


Cela ne signifie pas que tout doit être superficiel. Bien sûr, les sujets sérieux doivent faire l'objet de discussions approfondies. Mais pas systématiquement, et peut-être même certainement pas pour commencer.


Alors, lorsque vous lancez votre mouvement, demandez-vous "ce que ferait Taylor". Cela pourrait vous donner la bonne perspective.


Alors à vous de jouer, lancez votre mouvement !


Nous espérons vous avoir convaincu de croire en l'idée d'une campagne constante et d'une communication communautaire dans le cadre de la communication publique. Et peut-être même que certains envisagent déjà de lancer un tel projet pour leur territoire.


Mais évidemment, tout commence par un premier pas. Et pour cela, il faut revenir à la question de la mission. Quel est LE sujet qui pourrait rassembler l'alliance la plus large de votre ville autour de la table afin de collaborer et de faire une différence concrète ?


Vous avez besoin d'aide pour la mise en œuvre ? N'hésitez pas à nous contacter par mail à : contact@civocracy.org.



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