Cet article a été écrit par Jack Flynn, qui a effectué un stage au sein des équipes Civocracy pendant l'été 2022.
“La “Gen Z” (ou génération Z) ne se soucie pas de la politique, ils ont les yeux rivés sur leurs réseaux sociaux et ne sont pas conscients du monde extérieur ». Telles sont les déclarations qui représentent aujourd’hui la compréhension de la participation des jeunes adultes à la société civile par les générations de quelques décennies leurs aînées. Celle que l’on appelle la génération Z (les personnes nées entre le milieu/la fin des années 90 et le début des années 2000) a maintenant entre 17 et 27 ans et travaille ou poursuit des études supérieures. La génération Z est donc la prochaine génération d'adultes à voter et à contribuer activement à la société. Il est donc plus que temps de l’inclure dans la société civile et de l’encourager à activement prendre part dans celle-ci en la mobilisant de manière efficace !
Dire que la génération Z ne se soucie pas du monde qui l'entoure est un euphémisme. Les 17 - 27 ans passent en effet en moyenne près de 3 heures par jour sur les réseaux sociaux, et même s’ils ne reçoivent peut-être pas leurs informations par les moyens contemporains que leurs parents - tels que les journaux ou la télévision par câble -, ils n’en restent pas moins informés, puisqu'ils s’informent activement via des plateformes telles que Youtube, Twitter, Instagram ou encore Snapchat. Et “ne confondez pas leur dépendance à l'égard de ces plateformes vidéos / sociales avec un désintérêt pour les contenus d'actualité. La majorité d'entre eux disent suivre l'actualité et s'intéresser à ce qui se passe dans le monde. En fait, pour beaucoup d'entre eux, l'utilisation des vidéos pour s'informer est un choix actif : près de la moitié (47%) reconnaissent que les informations télévisées ne sont pas aussi véridiques que celles qu'ils trouvent sur les médias sociaux” nous indique cette enquête Y Pulse de 2021 qui démontre par exemple que 63 % des 13 - 39 ans indiquent consommer l’information sur YouTube.
On peut aussi s’étonner que, d'après un autre rapport, le producteur et youtubeur américain Philip James DeFranco, qui publie chaque semaine sur sa chaîne YouTube de courtes vidéos qui traitent d'un mélange d'actualité, de politique et de culture pop de manière majoritairement ironique, se trouve en tête de liste comme l'un des commentateurs de l’information les plus dignes de confiance pour la génération Z.
Encourager cette fameuse génération Z à participer à la société civile peut permettre aux jeunes de faire entendre leur voix et de donner suite à leurs aspirations. Les jeunes adultes ont de nombreux engagements et ces nouveaux engagements valent pleinement la peine d’être pris en compte. Si 46% des jeunes électeurs français se sont abstenus aux élections de 2022, c’est parce qu'ils estimaient que les politiciens ne se soucient pas d'eux. Bien que 71 % des jeunes Allemands aient voté lors des dernières élections, ils ont l'impression que leurs intérêts sont ignorés. Lors de l'élection présidentielle américaine de 2020, la moitié des jeunes Américains ont voté ; cependant, de nouvelles lois électorales pourraient menacer la participation future.
La génération Z doit comprendre la valeur de la démocratie et de l'engagement citoyen avant que puisse lui être pleinement transmis le flambeau, par ses ainés. Cet article présente quatre des approches potentielles pour améliorer dès maintenant la mobilisation des jeunes adultes :
La démocratie a besoin de popularité, d’une meilleure notoriété auprès d’un public large
La démocratie et la participation citoyenne doivent devenir accessibles en ligne
L'éducation à la démocratie et à la société civile devrait être élargie
Les jeunes adultes doivent - enfin - être pris au sérieux
La démocratie comme prochaine tendance pour les influenceurs ?
Se conformer à une "tendance" est un des aspects primordiaux dans la sphère des réseaux sociaux. Les utilisateurs de plateformes telles qu'Instagram et Snapchat construisent des récits transformés sur leur vie. Les jeunes adultes s'efforcent de conserver en ligne une image relativement positive d'eux-mêmes dans le but de renforcer leur attrait pour les autres. Une étude de Pew Research a révélé que 43 % des adolescents ressentaient être au moins un peu poussés à publier des contenus qui les mettent en valeur.
Parmi les photos de ces voyages dans des lieux des plus exotiques ou encore ce concert à guichets fermés, participer à des mouvements très médiatisés est un autre moyen de gagner en influence en ligne. La démocratie et la participation citoyenne doivent devenir des comportements « à la mode » sur les réseaux sociaux. Katy Perry et Orlando Bloom ont sorti l'année dernière un court métrage intitulé "Save Democracy while You Can" ("Sauvez la démocratie tant que vous le pouvez") appelant à une réforme de l'appareil électoral américain. Certaines célébrités et influenceurs font régulièrement des commentaires sur le vote et la politique, cependant, nous devons désormais miser et pouvoir compter sur des influenceurs et des célébrités qui défendront activement la participation et l'engagement des citoyens. Grâce à des vidéos engageantes, des hashtags, des défis et à la création de contenu en général, il est possible pour les influenceurs de susciter l'intérêt des jeunes adultes pour la participation citoyenne. Les tendances vont et viennent sur Internet et il est possible voire bien probable qu'une telle tendance ne dure pas plus de quelques semaines. Cela signifie que les organisations, les gouvernements et les entreprises qui soutiennent un tel effort doivent être préparés à prendre le relais derrière et avec le temps, à proposer des ressources et des pistes concrètes et attrayantes de mobilisation, nécessaires pour maintenir l'engagement des jeunes adultes.
Ainsi, si les médias sociaux ne sont peut-être pas la solution à long terme, ils peuvent toutefois être le point de départ de véritables changements de comportement. En définitive, la participation des pouvoirs publics aux médias sociaux doit être une entreprise organisée et préalablement réfléchie. Tout comme dans le cadre de la commercialisation d'un produit sur Tik Tok ou Instagram, les gouvernements doivent “se vendre” auprès des utilisateurs de ces plateformes sociales. Les Gen Z sont loin d’être des consommateurs insensés et perçoivent très facilement une opération de marketing qui manque de sincérité. Un article de Forbes suggère que l'authenticité devrait être la priorité pour toute entreprise faisant de la publicité ou s'engageant en ligne. L'authenticité signifie défendre ses valeurs, qu'il s'agisse d'amener les citoyens à voter ou d'encourager le dialogue sur un projet en construction. Une façon d'être authentique est alors de lancer des campagnes sur les réseaux sociaux qui soient menées par de jeunes adultes socialement actifs eux-mêmes au sein d’un gouvernement, d’une entreprise ou d’une organisation. De fait, les entreprises qui ont tendance à mieux percer et à atteindre leur objectifs sur des plateformes telles que Tik Tok sont très souvent représentées par de jeunes adultes. En fin de compte, Internet est un lieu en constante évolution, ce qui signifie qu'il existe de nombreuses opportunités d'expérimenter le marketing sur les réseaux sociaux.
Et si on rendait la démocratie et la participation citoyenne inclusives et accessibles à tous ?
Introduire la démocratie - et la société civile elle-même - dans l'ère de l'information profite à de nombreux groupes démographiques, mais les jeunes adultes sont parmi ceux qui peuvent le plus en bénéficier car ils sont la première génération de « Digital Natives », c'est-à-dire la génération qui a grandi en ligne et qui est naturellement à l’aise avec les outils digitaux.
La notion d’accessibilité de la démocratie et de la société civile est essentielle pour faciliter la participation citoyenne et l'engagement à long terme des jeunes adultes. En effet, ces derniers manquent parfois de courage, d’accès simplifiés ou d'expérience pour participer à la société civile en personne, à l’inverse des personnes (beaucoup) plus âgées qu'eux. Ainsi, permettre la participation citoyenne via un format en ligne place la participation à la portée de la génération numérique native. La démocratie via le digital, la technologie civique et des domaines similaires s'efforcent de combler le fossé entre le gouvernement et les citoyens en ligne grâce à des plateformes d'engagement et à la gamification de la participation. Ces champs représentent un « filet » potentiel pour attraper les jeunes adultes mobilisés à travers des campagnes sur les réseaux sociaux. La transition des campagnes sur les réseaux sociaux via une plateforme de mobilisation citoyenne pourrait par exemple se faire grâce à des formats de quiz visant le développement de la compréhension autour d’un sujet, la montée en compétences. En effet, le fait de passer par un outil en ligne, simple d’utilisation, inclusif et accessible, permet d’instaurer un environnement gamifié qui laisse place au développement de l’engagement et d’un dialogue constructif entre pairs.
Accroître la participation des citoyens, quel que soit leur âge, est toujours le nœud le plus difficile à démêler, au cœur de cet univers de la “Civic Tech”. Et les offres actuelles ne manquent pas, mais elles ne garantissent pas toujours les bonnes solutions : offrir des opportunités de participation, d'engagement et un vrai sens de la communauté.
Donnons alors la priorité à l'éducation civique et au concept de communauté
Pour de nombreux jeunes adultes, l'éducation qu’ils ont reçue sur l'importance de la démocratie, de la participation civique ou de la mise en place d’une bonne gouvernance dans les projets de société a été très légère et souvent incomplète, voire inexistante.
Selon l'European Policy Center et sur la base des données disponibles mais relativement limitées sur le sujet, les nations européennes varient considérablement dans leur approche de l'éducation citoyenne. Alors, comment envisager que les jeunes adultes peuvent ensuite facilement et naturellement intégrer la société civile si aucune éducation civique de qualité n’est garantie dans les établissements tout au long de leur scolarité ? Un article de la Chronique de l'ONU de Martyn Barrett disait ce qui suit,
“L’éducation reçue à l’école est aussi cruciale. Si l’école permet aux étudiants d’aborder des questions éthiques, sociales et politiques en classe, de discuter de sujets controversés, si elle les encourage à exprimer leurs propres opinions et à écouter le point de vue des autres afin d’explorer des idées diverses, leur intérêt, leur confiance et leurs connaissances politiques en seront plus développés, ce qui les incitera à voter plus tard. Il est aussi important que l’école applique des principes démocratiques et leur donne les moyens de contribuer à la prise de décisions, par exemple, en étant délégués de classe, en prenant part aux conseils de classe et en représentant les étudiants dans les groupes de travail.”
Offrir aux jeunes un environnement sain et constructif pour apprendre et discuter de sujets sociaux, éthiques, civiques et politiques controversés permet d'éviter d'aliéner les jeunes du discours politique. Des simulations telles que Model European Parliament, Model United Nations, ou Boys State placent les jeunes dans la peau de politiciens et les encouragent à coopérer les uns avec les autres et à réfléchir de manière critique à la résolution en intelligence collective, de problèmes de société contemporains.
Les écoles, collèges et lycées, tout comme les établissements d’enseignements supérieurs, devraient se relayer et encourager la mise en place ou la participation à de telles simulations. Une coopération potentielle avec la govtech, la civic-tech ou des industries similaires pourrait apporter un soutien à l'expansion des efforts d'éducation et de sensibilisation en offrant des environnements propices à l'engagement et à la participation citoyenne - même s’il s’agit de ne commencer que par des échelles de participation à plus faible enjeu avec les plus jeunes.
Leaders de demain, prenons les au sérieux dès aujourd'hui !
L'enseignement de l'éducation civique apporté à la génération Z et aux générations suivantes constitue ainsi la base solide qui permet d’encourager leur participation à la société civile ; cependant, pour être inclus dans la conversation, ils doivent d'abord être pris au sérieux.
La génération Z se plaint souvent que lorsqu'elle a la possibilité d'exprimer ses souhaits, avis, opinions ou suggestions de changement et sa vision de l'avenir, elle est minimisée et ignorée. Une enquête Common Futures Conversations de 2019 a par exemple révélé que moins de 5% des jeunes adultes en Afrique et en Europe pensent que leurs politiciens les écoutent.
Les jeunes adultes de la génération Z (et la génération Y d'ailleurs - ceux nés entre 1980 et 1999) sont souvent qualifiés d'idéalistes par les générations plus âgées en raison de leurs visions alternatives de l'avenir et de leur approche plus progressiste de la société civile. Minimiser les idées et les aspirations de la génération Z est un excellent moyen de forcer la conformité ; cependant, cela les décourage inévitablement dans leur participation au dialogue.
Demain, la génération Y et la génération Z seront les plus touchées par les crises mondiales causées directement ou indirectement par le dérèglement climatique et toutes les conséquences à venir, que l’on imagine déjà. Dans cette optique, il est compréhensible que leur vision de l'avenir s'éloigne de l'interprétation conventionnelle de la société, car des mesures drastiques doivent être prises pour protéger la planète et la société. La génération Z doit être habilitée à s'exprimer sur ces défis. Mieux encore, elle est presque la mieux placée pour savoir ce que seront demain les solutions aux problématiques à venir, que l’on envisage dès maintenant. Cette génération Z est composée d’adultes qui ont aujourd’hui besoin que leurs voix soient enfin entendues. Ils sont l’avenir. Ils sont légitimes pour que l’on entende et considère leurs opinions. Ils disposent de ce droit. Et les générations aînées sont dans le devoir de le respecter. Alors laissons leur la place de s’exprimer. Écoutons- les. Tendons leur le micro.
En fin de compte, les jeunes adultes ont un certain désir de participer à la société civile, mais ils manquent d'outils ou de soutien adaptés à leur génération. Comme dans le cadre de toute campagne de participation citoyenne, les efforts de mobilisation peuvent être vains même si les instructions sont suivies à la lettre. Par conséquent, les efforts à long terme visant à éduquer et à faciliter l'engagement donneront probablement de meilleurs résultats que les campagnes à court terme de type "choc". Nous devons continuer à travailler pour mieux comprendre les attentes de la génération Z vis-à-vis de la société civile et sur comment nous pouvons mobiliser cette génération en une génération de citoyens politiquement actifs, pour construire ensemble un meilleur avenir - durable et vivable - pour le monde.
La génération Z entrera-t-elle dans l'histoire comme défenseur de la démocratie ?
Oui, sans aucun doute !
Hmm, aucune idée...
Je suppose que non.
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